BABEL HEUREUSE
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André Markowicz
Six textes d'un été
1.
Par quelle
il a dit pierre
ouverte
à la volée
en deux, « le long
du cœur »,
la bistre frondaison des étourneaux,
la stri-
dulence jaune vrille
et veille, la
pierre devient cailloux
disposés sur
rien, l’air
nu, tant qu’on sent le souffle
en soi, qu’il fait,
le sang,
battre les tempes, qu’il
creuse le ventre pour
garder aveugle.
4-6 juillet 16.
2.
Rochers-nuages, leur
surplomb
vers les,
par les parois des vrais,
spirales de
lambeaux gris-violacé allant
au plus compact, —
menace d’un déluge —
entraperçus, « astres épars »
du rituel de ce début de nuit —
on veut les croire excavés par le vent,
mais à la râpe,
et nous, dessous,
face au rire du père — qui
ne nous regarde pas —
quand nous,
par effraction ou par
respirations volées,
dardant les yeux
sur leurs couronnes de buissons
sablonneux, nous,
nous précipitant contre,
« éclatons d’ignorance » —
or il ne rit pas même, la lumière
orange des
projecteurs, à mesure que la nuit
les rapprochant, avance, l’apparaît
comme, sur les trois ans, se forme
avec les mots l’épouvantable
ivresse du lilas.
13-17 juillet 16.
3.
Comme le ciel de Pâques, les
bougies de ce soir-là,
cuivrées
mais une flamme droite sauf
à laisser les épaules trop
libres, les manches de la redingote
alors sont source de leur flottement —
mais pour l’assiette vide qui
viendra, parmi les mille et mille
anéantis déjà ?
juste une assiette blanche, et leurs
yeux ne sont pas fixés dessus.
C’est maintenant qu’il est
venu, et pas pour les conduire
dehors. Un soir, imaginez
où les carreaux
n’ont pas tremblé, où la faim même
a été moins prégnante, grâce
à elles, ces bougies, qui sait ?
d’un chandelier fortuit héréditaire. Nous
ne fûmes pas des ombres, nous
ne pourrons pas
l’être pour qui dira, sans langue
et sans visage, ce
repas de Pâques, juste avant,
dans le sourire du silence.
3-4 août 16.
4. TROIS AUBES
I. Chanson
Tissus de l’amour-dieu
la « feuille jaunissante »
et l’élan vers
le rien au jour le jour,
et le grand ire au cœur
de la grièche,
et la peau grivelée
de nos soucis
de l’un
pour l’autre sous
la canicule, j’ai
fermé les yeux
pour vous, dès lors
dans notre enceinte,
il dit il ne dit pas, et si
j’épouse la
respiration de ce sommeil, si je
me love dans son cercle,
il est
notre reconnaissance à nous
pour l’âge même.
repris 24 août 16.
II. Autre chanson
et si
de ce matin troisième j’ai
la douceur angevine
ou peu s’en faut,
si, comme je respire
en pente douce
avant
l’accablement du jour,
après
l’oubli, la nuit, de cette errance vers
une fenêtre qui se dérobait
trois fois de suite,
ou juste un chien jappait, de plus
en plus, sans doute
épuisé, la
craie sur l’ardoise noire
en guise de
pendule, si,
maintenant, je vous berce dans
ce souffle, les
yeux se referment, seule au monde.
27 août 16.
III.
Comme à l’issue d’un vaste
effort, d’une, comme on dirait
récalcitrance,
obstinée, frénétique
à se laisser
dissoudre par le bleu
de l’air inarrêtable, par
le rauque dans
sa hauteur pure, par
l’inspire-expire, ô patrimoine
exsangue, le
corps au grand jour
là, et l’ahan,
telle, plissant les yeux orange-rouge
est la minute — pas
une minute entière — sur
le dos quand la respiration
vient des épaules, les
os s’ouvrent, c’est
là que se glisse le visage.
30 août - 1er sept. 16.
André Markowicz
André Markowicz est poète et traducteur et pas l’un sans l’autre pour plus commodément le présenter à ceux qui ne le connaîtraient pas encore. C’est un auteur simplement considérable et ces quelques liens donneront un bref aperçu de son travail étendu et subtil.
Sur Poezibao, un article très intéressant sur Figures, livre de poésie paru au Seuil.
Découvrir ses livres parus aux éditions Inculte et notamment Partages II (dont il est question ici sur France Inter).
Enfin un entretien vidéo passionnant sur les langues, la traduction, la transmission sur Mediapart.