BABEL HEUREUSE
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Ensemble de poésie polonaise traduit par Isabelle Macor
Julia Hartwig
IL Y A UN INSTANT OÙ NOUS VOYONS aussi nettement
que si tout était en notre possession
Et que la possession fût claire limpide
sans rien promettre
ni un autre petit matin ni un autre instant
Il n’y avait pas de crainte là-bas face au monde
cette île en nous se gouvernait elle – même
bien qu’elle n’eût en elle pas le moindre pouvoir
de rejeter le verdict
parvenu de cette voix qui
de crainte de ne pas être entendue
retentissait sous les cieux
Rendez-leur ce qu’en eux il n’y a déjà plus
DES TEMPS sont venus pour la souffrance
des temps sont venus pour l’amour
Si beaux dans cette musique
dans cette dissonance
Nous vivons du souvenir
et de l’oubli
Après l’été l’automne après l’automne l’hiver
La nature nous enseigne la nécessité
Allez toujours plus profond et plus loin
Personne ne se rappelle vos fautes
et jamais tu ne le vérifieras jusqu’au bout
ÉLARGISSEMENT DU TERRITOIRE
de la veille au sommeil
et plus loin toujours plus loin
par-delà l’insolence de l’image
par-delà le rejet du mot
par-delà le sentiment de culpabilité
de non- participation
Mais ce qui reste encore après l’expiation
ce désarroi même
est toujours
attribué à quelque existence
pourvu qu’allant si loin
ils n’éprouvent pas de déception
car le mystère valait la peine qu’on en ait une connaissance
Julia Hartwig
Poète, auteur d’essais, reportages, textes pour la radio, contes pour enfants, traductrice de littérature française et anglophone. Elle est née le 14 août 1921 à Lublin. Auteur de plus d’une cinquantaine d’ouvrages, elle a reçu de nombreux prix littéraires dont, parmi les plus importants : le Prix de la Fondation d'Hautvilliers "Prix de Traduction" (France, 1978), le Prix du PEN CLUB polonais (1979,1997), leThornton Wilder Prize (USA, 1986), le Prix Georg Trakl (Autriche-1991), le Prix du Ministère de la Culture pour l’ensemble de son oeuvre (2001), finaliste du Prix Nike pour son recueil Il n’y a pas de réponse (2002), Grand Prix de la Fondation de la Culture (2003), nominée pour le Prix Nike en 2003 pour un recueil de proses Eclats, 2005 (pour son recueil de poèmes Sans Adieu), 2010 pour son recueil de poèmes Clair Pas clair, 2012 pour Amers regrets (poèmes), Prix Władysław Reymont (2006), Prix Miłosz (2009), citoyenne d’honneur de la ville de Lublin (2009), Prix Wisława Szymborska (2014). Elle vit à Varsovie.
Extraits du recueil Inscrit [Zapisane], Wydawnictwo a5, 2013.
Isabelle Macor
Traductrice de poésie polonaise contemporaine, chercheur en littératures comparées Isabelle Macor est l’auteur d’une thèse de Doctorat soutenue en Sorbonne sur la Poésie polonaise et la poésie française d’après-guerre autour d’une figure centrale, Czesław Miłosz. Enseignante, chercheur, ses travaux et publications portent essentiellement sur les poésies française et polonaise contemporaines : anime des ateliers d’écriture, séminaires de traduction, donne des conférences et des récitals de poésie. Traduit également de l’anglais. Membre de la SGDL, de la MEL, de l’ATLF, de la SFEP. En 1999, elle a obtenu la bourse « découverte », de traduction, du Centre National du Livre. En 2010 et 2012, puis en 2016 (résultat à venir) ses recueils de poésie traduite du polonais (Ewa Lipska et Urszula Kozioł) sont sur la liste des finalistes du prix Nelly Sachs. Elle a reçu le prix européen Horace de traduction poétique du Cénacle francophone des arts et des lettres en juin 2015 (http://cenacleeuropeen.eklablog.fr) pour l’ensemble de son œuvre de traduction de poésie, une trentaine d’œuvres traduites, des articles, conférences) et pour la traduction des poèmes de Krzysztof Siwczyk, lauréat 2014 du Prix de poésie Kościelski (Genève). Czytnik linii papilarnych/Lecteur d’empreintes digitales, Ewa Lipska. janvier 2017, éditions LansKine. Plusieurs ouvrages de poètes polonais à paraître prochainement dont La Fabrique de levure/Drożdżownia, du jeune poète Jakub Kornhauser, lauréat du très prestigieux prix de poésie Wisława Szymborska, juin 2016, Cracovie.