Laurent Margantin
36 apparitions de Franz Kafka
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Il est assis dans un tramway, il revient d’un faubourg de Prague, il fait nuit.
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Il reste à la fenêtre sans rien dire pendant que son père le gronde comme un enfant.
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Il perd une matinée à dormir et à lire le journal, il n’écrit pas, il a peur d’écrire.
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Il reste couché dans son lit, ne se lève pas alors que son père, sa mère et ses sœurs s’agitent dans l’appartement.
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Il est couché par terre comme un animal dans sa chambre d’hôtel à Venise.
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Il lit à ses amis une histoire qu’il a écrite et se plaint qu’elle ne soit « que des commencements brisés ».
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Il est allongé sur le canapé, « avec des jambes malades et des rêves dégoûtants ».
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Il est debout devant l’immeuble de la compagnie d’assurance à Prague, costume cravate et pardessus, chapeau sur la tête qui assombrit le regard, léger sourire sur les lèvres, mains croisés sur le ventre.
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Il lit l’autobiographie de Mörike à ses sœurs, interrompu par les parents qui rentrent du magasin.
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Il est heureux d’écouter les histoires que lui raconte Isaac Löwy, acteur de théâtre yiddish.
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Il cesse d’écrire son Journal parce que sa sœur rit à gorge déployée à la table familiale.
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Il fait sa gymnastique torse nu devant la fenêtre ouverte de sa chambre.
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Il marche dans le vestibule de l’appartement familial, désœuvré.
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Il ressent de la joie en imaginant un couteau qui se retournerait dans son cœur.
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Il monte l’escalier de la compagnie d’assurance en courant parce qu’il est en retard.
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Il n’a pas dormi pendant trois nuits, il est à bout de force.
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Il rêve d’un âne qui ressemble à un lévrier.
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Il ne parle pas et écoute quand il est assis au café avec d’autres hommes de son âge.
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Il accompagne des amis à la gare et soulève maladroitement son chapeau quand le train part.
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Il écrit à l’éditeur qu’il ne veut pas de cafard sur la couverture de La Métamorphose.
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Il dit au docteur Steiner qu’il se sent parvenu « aux limites de l’humain en général ».
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Il rit à côté de l’une de ses sœurs quand on les prend en photo.
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Il a une « légère vision de Napoléon » en écoutant une conférence au Rudolphinum.
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Il visite pieusement la maison de Goethe à Weimar, y retourne pour prendre des photos.
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Il rêve d’écrire « délivré du papier ».
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Il offre un de ses livres à son père qui, sans le regarder, lui dit de le poser sur sa table de chevet.
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Il dessine d’étranges silhouettes sur une feuille de papier qu’il froisse et jette dans la corbeille quand quelqu’un entre dans la pièce de la compagnie d’assurance.
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Il fait des promenades solitaires le dimanche, « il va à l'aventure, sans penser à rien », (Max Brod).
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Il écrit plusieurs fois « Karl » (personnage d’Amérique) au lieu de « Gregor » dans La Métamorphose.
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Il observe une fille « emmaillotée comme un bébé » dans son tablier de travail.
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Il est dans un café avec un employé de son père et il est heureux de parler tchèque avec lui.
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Il dit à l’éditeur Rowohlt : « Si au lieu de publier mes manuscrits vous me les renvoyez, je vous en serai plus reconnaissant ».
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Il porte un canotier et sourit devant l’appareil photo.
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Il écrit avant de s’endormir, il écrit en s’endormant, il écrit en dormant.
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Il s’incline devant Oskar Baum qui est aveugle quand ils se rencontrent pour la première fois.
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Il emploie souvent l’adjectif gelblich (jaunâtre) dans son Journal.
Laurent Margantin
Laurent Margantin, traducteur, auteur. Publie en ligne des récits, des poèmes, des traductions, des vidéos. Anime un Literaturcafé sur sa chaîne YouTube.
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Entretien avec Laurent Margantin sur sa traduction du Journal de Kafka