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BABEL HEUREUSE

SUIVANT

Sylvie Durbec

traduit par

Denis Hirson

 

Poème pour dire

 

Tu me dis

que je ne suis jamais la même

quand je

parle une langue ou une autre

que c’est toujours changeant

sans cesse d’accent et de voix

moi

 

Poem to say

 

You say to me

I’m never the same

when I

speak one tongue or another

and that everything changes,

all the time,

my voice and this accent

of mine

Tu me dis

parfois comme un enfant

s’essayant à parler étranger

tantôt sûr de soi et d’autres

incertain et hésitant

tantôt comme

si je n’étais pas moi-même

You say to me  

sometimes like a child

trying to talk

all foreign,

sure of yourself

or stumbling

with uncertainty

or as if I were not really me.

Je te dis

je ne sais pas toujours être

moi-même en une seule fois

en une seule personne

je ne sais pas si je te dis ça

à toi

I say to you

I don’t always know how to be

altogether myself

all at once

inside a single person

I ask myself

if it’s you

I am saying this to 

Tu me dis

toujours être moi-même

en une seule personne

plutôt parfois toutes à la fois

et d’autres l’une après l’autre

je ne sais pas toujours dire

toi

You say to me

I must always be myself

inside a single person

sometimes all at once

and then take turns being others,

number one, then number two,

I don’t always know how to say

you

Je te dis

il n’est pas question de folie

mais de langues à tenir

bien ni en français ni en

portugais et encore moins

en anglais 

I say to you

this is not a case

of craziness

but of holding one’s tongue

back, or forth, whether in French

or Portuguese, or even

in English if you please

parce que je ne sais ni

en tenir une ni plusieurs

seulement être là

je dis avec toi.

because I know not how

to hold one or a few

only how to be there

I say with you

Sylvie Durbec

 

« Je vis et écris en province. Née à Marseille. Ville des lointains immobiles. Habite dans la campagne, en dessous du ciel. Voyage un peu depuis que les enfants ont grandi. Loin de Paris.  J’écris depuis longtemps et suis publiée depuis une dizaine d’années.  Poésie, théâtre, romans. Et aussi livres pour enfants, comme on dit. J’aime travailler avec des artistes, ne pas rester isolée dans les mots. Mais la solitude m’est nécessaire. Et l’éloignement. Ce qui m’a entraînée vers le Nord (Finlande, Belgique) et le Sud (Portugal, Italie). Écrire comme marcher, écrire comme avancer dans un paysage invisible. D’où la passion de traduire.  Ce serait aller vers l’inconnu, celui qui se découvre à la fin de l’histoire. »

Ainsi se présente elle-même Sylvie Durbec. On peut lire chez Jacques Brémond éditeur son Sanpatri, livre sur lequel Yann Miralles a écrit une très belle note.

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