Poème pour dire
Tu me dis
que je ne suis jamais la même
quand je
parle une langue ou une autre
que c’est toujours changeant
sans cesse d’accent et de voix
moi
Poem to say
You say to me
I’m never the same
when I
speak one tongue or another
and that everything changes,
all the time,
my voice and this accent
of mine
Tu me dis
parfois comme un enfant
s’essayant à parler étranger
tantôt sûr de soi et d’autres
incertain et hésitant
tantôt comme
si je n’étais pas moi-même
You say to me
sometimes like a child
trying to talk
all foreign,
sure of yourself
or stumbling
with uncertainty
or as if I were not really me.
Je te dis
je ne sais pas toujours être
moi-même en une seule fois
en une seule personne
je ne sais pas si je te dis ça
à toi
I say to you
I don’t always know how to be
altogether myself
all at once
inside a single person
I ask myself
if it’s you
I am saying this to
Tu me dis
toujours être moi-même
en une seule personne
plutôt parfois toutes à la fois
et d’autres l’une après l’autre
je ne sais pas toujours dire
toi
You say to me
I must always be myself
inside a single person
sometimes all at once
and then take turns being others,
number one, then number two,
I don’t always know how to say
you
Je te dis
il n’est pas question de folie
mais de langues à tenir
bien ni en français ni en
portugais et encore moins
en anglais
I say to you
this is not a case
of craziness
but of holding one’s tongue
back, or forth, whether in French
or Portuguese, or even
in English if you please
parce que je ne sais ni
en tenir une ni plusieurs
seulement être là
je dis avec toi.
because I know not how
to hold one or a few
only how to be there
I say with you
Sylvie Durbec
« Je vis et écris en province. Née à Marseille. Ville des lointains immobiles. Habite dans la campagne, en dessous du ciel. Voyage un peu depuis que les enfants ont grandi. Loin de Paris. J’écris depuis longtemps et suis publiée depuis une dizaine d’années. Poésie, théâtre, romans. Et aussi livres pour enfants, comme on dit. J’aime travailler avec des artistes, ne pas rester isolée dans les mots. Mais la solitude m’est nécessaire. Et l’éloignement. Ce qui m’a entraînée vers le Nord (Finlande, Belgique) et le Sud (Portugal, Italie). Écrire comme marcher, écrire comme avancer dans un paysage invisible. D’où la passion de traduire. Ce serait aller vers l’inconnu, celui qui se découvre à la fin de l’histoire. »
Ainsi se présente elle-même Sylvie Durbec. On peut lire chez Jacques Brémond éditeur son Sanpatri, livre sur lequel Yann Miralles a écrit une très belle note.