Laure Gauthier
« Nun hab' ich nichts mehr »
(à Isabelle)
visage de ronces
/ le mien /
vos yeux sur ma tête glabre
je reste
de marbre / devant vos peurs
/ de moi /
mais
de lumière / devant les bronzes
vas / quand tu sombres
vers les cuivres
VERTS DE LUMIERE
retordre la taule soufre
de mon cœur chauve
suis osiris de toi qui
regarde / à vide / ma surface
Mais
je remplacerai ton indifférence blanche
par l’image de vos bustes verts
au moment où mes yeux brûleront
je porterai le miroir
sur une tortue de bronze
Mon corps creux de toi n’est rien
Contre
ta courbe Cnide
ton ventre blanc
au nombril sans naissance
tes poignets qui manquent sont
toutes les présences
sans visage, tu
me regardes
entre mes lèvres, te parlerai
même
après les cendres
/ cinquième saison /
ta beauté écrit l’absence
et ton cou frôle toujours nos cheveux
la tête évidée nous montre
du blanc
où respirer
ton flanc tes seins sans veines
remplaceront les miens
et ton regard absent
habite ton buste qui dit la chair, ivre de pensée
Zeus sans pied
athlète sans mains /
aux derniers carrelages
au dernier métal
mon encre rouge séchée
Mais
vous murmurez tous les textes
Alors
de vos globes vides,
devenue souveraine…
« Und das ernste Schicksal blickte milder
Durch den Schleier sanfter Menschlichkeit »
Laure Gauthier
Née en 1972 à Courbevoie (92), Laure Gauthier est poétesse et auteur d’essais. Elle vit à Paris.
Après des études de littérature allemande effectuées à l’université de Paris-Sorbonne et à l’université de Hambourg, Laure Gauthier soutient en 2003 sa thèse de doctorat sur les débuts de l’opéra en Allemagne au XVIIe et XVIIIe siècles.
Elle a publié de nombreux articles, co-dirigé cinq ouvrages collectifs et rédigé une monographie sur le premier opéra permanent de langue allemande (L’opéra à Hambourg. Naissance d’un genre, essor d’une ville, PUPS, 2010). Ses publications scientifiques portent notamment sur les liens entre la musique et le texte (du XVIIe siècle à l’époque contemporaine), sur la philosophie de la musique à l’époque moderne et contemporaine et sur l’intermédialité, sur les liens entre son, image et mot. Elle contribue également à la revue « Vacarme » et au site de poésie contemporaine « Sitaudis.fr ».
Dans ses textes poétiques elle entend faire sortir le langage de ses gonds, l’arracher à sa géographie. La fragilité et la transparence de l’être y entrent en tension avec les obsessions de la société – la violence, l’étouffement du langage poétique, le sacrifice de l’intime notamment au travers de clichés photographiques et de faits divers, l’obsession de l’origine et l’exotisme. Bien qu’au comble de sa fragilité, la poésie ne saurait-être « recueillie » : c’est au moment de son exposition maximale qu’apparaît sa force. Ainsi Laure Gauthier écrit-elle non pas des poèmes en recueil mais des récits poétiques où la langue est menacée par l’intrusion de la prose (La cité dolente), de dialogues et de didascalies (marie weiss rot / marie blanc rouge) ou de vrais ou faux faits divers et gros titres (kaspar de pierre ; je neige).
Son site : https://www.laure-gauthier.com/