Ensemble de poésie polonaise traduit par Isabelle Macor
Ewa Sonnenberg
UNE LETTRE ENTRE LES FLEURS DE POMMIERS
Tant malmenée que les mots s’embrasent en ordre de flammes
Toutes les réponses réduites en cendres
De mon corps l’eau fait naître le feu
Et ne me parle pas du pommier que l’on nous a pris
Ne me parle pas des fleurs que l’on nous a profanées
Il n’y a que les arbres et dans leur sève coule une lumière de sang
Et ne me dis pas que l’offense est inconcevable
Car j’en connais la dénomination plus que toi
Pour sur chaque centimètre de Terre savoir le contenu de cette lettre
***
Perfect purity is possible if you turn your life into a line
of poetry written with splash of blood
Yukio Mishima
Tu es une partie de mon nom
Capable de tout
Sous la forme d’un rayon de soleil
Tu es une partie de ma trace
Coupée en deux
La page bleue du globe
Tu es une partie de mon nom
Prêt à tout
La seule et même lumière du cœur
Tu es une partie de ma respiration
On ne s’attend pas l’un l’autre
Reprenant souffle en soi pour vivre
Tu es une partie de mon nom
Comme la Terre pour mourir
Toujours renaître pour soi
Tu es une partie de mon nom
Non un sentiment un battement de cœur
Chacun de nos combats
Tu es une partie de ma respiration
La mémoire des cicatrices déchire le corps
Une blessure inscrite en lumière
Tu es une partie de mon nom
L’aile invisible
Comme l’Immuable tu Es
Une partie de mon épaule blessée
Deux oiseaux penchés
Au levant vers toi
Tu es une partie de mon nom
Écrit avec tous les océans de la Terre
Comme une larme sur la joue
Tu es une partie de mon sang
L’incendie des bateaux de pluie
Sous la peau la brûlure de chacune de tes respirations
Tu es une partie de mes os
Dévoilé en moi
Plus que toi et moi
Tu es une partie de mon nom
Te taisant anonyme
Un courage surhumain
Tu es mon soldat
Moi rien qu’un fragment
De ton uniforme
On dit : ils ne sont pas l’un à l’autre sur Terre
Ils sont au Ciel
Tu es mon soldat
Moi je suis ton sabre
Portée haut dans le Ciel
Tu es une partie de ma flamme
Si moi je m’amoindris
La flamme devient plus grande
Tu es mon soldat
Mon étendard flamboyant sur les prairies de sang
De ceux qui courent avec des chardons d’espérance
Tu es une partie de mon nom
La mort elle –même ne comprendra pas
Le toucher de ces mots
Tu es mon soldat
Jusqu’au dernier soupir
Je fracasse le mur suivant
Tu es une partie de mes mots
Pas une langue du monde ne les prononcera
Quand tu parles la terre tremble
Tu es mon soldat
La terreur est un jeu pour nous
Car nous sommes les enfants du tonnerre
Tu es une partie de mon rêve
Lové dans notre ombre
Une déclaration au-delà de nous
Tu es une partie de mon enfance
La plus belle histoire du monde
Une histoire que seul Dieu écrit
Ewa Sonnenberg
Poète. Née en 1967. A publié dans toutes les revues littéraires polonaises. Ses poèmes sont traduits en anglais, français, espagnol, allemand, suédois, turc, russe, hongrois, slovène, slovaque, tchèque, serbe, macédonien, bosniaque, italien, ukrainien. Auteur d’une dizaine de recueils de poésie, d’un choix de poèmes paru en 2014 et de proses. Boursière de Kultura Niezależna (Culture Indépendante) à Paris (1996), deux fois boursière (2001, 2008) du Ministère de la Culture et du Patrimoine National. Elle a reçu le Prix Georg Trakl pour son recueil Hasard [Hazard] (1996), le Prix du meilleur poète du Festival Ilinden à Skopje (Macédoine, 2008), le Prix des Quatre Colonnes pour l’ensemble de son œuvre (2012). En 2016 elle est finaliste du Prix Orphée - K. I. Gałczyński de Poésie pour son recueil Hologrammes dont sont extraits les poèmes ci-dessus.
Elle est membre de l’Union des Écrivains Polonais. Vit à Wrocław.
Isabelle Macor
Traductrice de poésie polonaise contemporaine, chercheur en littératures comparées Isabelle Macor est l’auteur d’une thèse de Doctorat soutenue en Sorbonne sur la Poésie polonaise et la poésie française d’après-guerre autour d’une figure centrale, Czesław Miłosz. Enseignante, chercheur, ses travaux et publications portent essentiellement sur les poésies française et polonaise contemporaines : anime des ateliers d’écriture, séminaires de traduction, donne des conférences et des récitals de poésie. Traduit également de l’anglais. Membre de la SGDL, de la MEL, de l’ATLF, de la SFEP. En 1999, elle a obtenu la bourse « découverte », de traduction, du Centre National du Livre. En 2010 et 2012, puis en 2016 (résultat à venir) ses recueils de poésie traduite du polonais (Ewa Lipska et Urszula Kozioł) sont sur la liste des finalistes du prix Nelly Sachs. Elle a reçu le prix européen Horace de traduction poétique du Cénacle francophone des arts et des lettres en juin 2015 (http://cenacleeuropeen.eklablog.fr) pour l’ensemble de son œuvre de traduction de poésie, une trentaine d’œuvres traduites, des articles, conférences) et pour la traduction des poèmes de Krzysztof Siwczyk, lauréat 2014 du Prix de poésie Kościelski (Genève). Czytnik linii papilarnych/Lecteur d’empreintes digitales, Ewa Lipska. janvier 2017, éditions LansKine. Plusieurs ouvrages de poètes polonais à paraître prochainement dont La Fabrique de levure/Drożdżownia, du jeune poète Jakub Kornhauser, lauréat du très prestigieux prix de poésie Wisława Szymborska, juin 2016, Cracovie.