Raluca Maria Hanea
Inférants
(extraits)
« Je vis un cadre noir dans mon désir dans mon destin d’habiter
Toutes ces lignes près d’être parallèles ma vie
(Le ciel à lui-même son hélice) »
Dominique Fourcade
Un livre entre les mains des langues en plein
nous vivions une terre couverte, à deux distances
cela raconte un sort l’usure une sorte de moyen
certainement sournois sereinement presqu’île
la peur existe
la peur réelle
l’attente malgré l’oubli
rebelle, reprend les phrases
détend l’impuissance de rassurer
de froid: nommer retrousser évaser
souvent la forme est une maison
c’est où nous apprenons le court du rêve
flair aucun, le temps s’apitoyant (ne rien retenir)
la production des jours la colle empile engendre
des graines déjà percées
les mêmes os, tous les mêmes, nos mots égaux
à 13h03 ne désirant plus rien.
Mais reconnaître son propre texte pour étage
(pensée : dentition indentation où la douleur trouve un refuge)
nos corps qui se ressemblent étrangement
cela nous force et nous englobe
nous donne aussi de vifs visages
soignant leur vie de porcelaine dans une certaine égalité d’espoir.
Ici nous apprenons à nuancer, foudroyés dans la patience
la même perversité – poupée gigogne couperet
cisaille nettement étalée
les mêmes (nos) phrases parfaites dans chaque version
-- peut-être attachée de force survivre à sa propre lenteur --
répéter que l’homme congèle déplace enterre
des mots parfaitement durs des gestes parfaits
comme des façons plus ou moins diphtonguées de dire Leonora Carrington
ils disent et ils répètent : a succombé à ses blessures
quel centre malgré le temps ?
si l’on devient enfin complétement tristes
la dissolution (forme de peau sur les os)
gainée ourlée à même la confiance
souriant de jeunesse
Alice à côté du miroir ce n’est pas un sourire
mais un changement définitif de l’espace
aussi, dans une sorte d’abus
conseiller le noir suivre les ravages la plage durcie
dans l’épuisement parfait
ne t’en voulant toujours pas
desserre à l’endroit de son enveloppe – l’enfance de grandir
étincelant pouvoir
ciseau cigogne.
Mon âme est un objet de convoitise esseulée : en prolongement du cœur, il est maintenant temps qu’ils remplacent le pivot avec ce qui leur reste de bois.
Aujourd’hui on s’efface encore un peu
sporade (sparsile)
dans ce petit monde mal documenté
ce petit monde avance son vœu
élime effile éboute
finitude de nos repères – latitude paire –
une langue sinon même port
son champs, tandis qu’à son extrême
Fourcade part en poème avec Ligurie pour seul mot.
Après, l’enchainement
fabrique cette chose-âme
en confusion labiale
nature contre nature, précisément thermolabiles.
*
Raluca Maria Hanea
Raluca Maria Hanea est une poète et traductrice née en Transylvanie en 1982. Elle habite depuis une dizaine d’année à Paris où ses deux passions, l’écriture et le cinéma, se nourrissent l'une l'autre. Elle publie ses vers dans des revues (remue.net, N47, Mula Blanca) et des traductions du roumain (Secousse et Poesis International).
Elle dirige depuis huit ans le bureau des films d’un festival de film européen, activité qui informe son écriture, donnant une grande importance à l’image et à l’implication du corps dans les productions de la langue.
Son recueil Sans chute est publié avril en 2016 aux Editions Unes. Il explore par la langue l’intimité de l’être, celle que l’être doit conserver, sinon disparaitre dans les mises en scène du présent.
Bourse d’écriture du CNL en cours pour le projet Inférants.
Son premier recueil babil est sorti aux Editions du Petit Pois en juillet 2015 avec une préface de Rodica Draghincescu.
Quelques liens pour connaître son travail :
Un entretien à propos de son premier livre en français et un extrait de son livre Sans chute aux éditions Unes, sur le site d'Angèle Paoli