Adèle Nègre
Tu ne tonitrueras pas
tu ne tu
de tes buissons
criants d'oiseaux
tu ne dépasseras pas
tes robes
profondes
ne soulèveras
Il y a
quand même
nourries de couleur
rouge alerte
ces bouches fleurs
ouvertes
au talus
l'œil et le cri
utopique figure
cependant du sujet
un relais
Cet ardent dedans
que ravive
le rouge coq
froissement
langue de rien
flageolant sur sa jambe grêle
à mon approche
Je danse avec ma peau et mes yeux
sur mes eaux
en ce puits austère
je danse sur le tain morcelé
des fragments d'images jaillissent
brusques jardins surgis gerbes
que je lis étrangère
à la langue
subites sources
fugues
quiconque verrait ce miroir
verrait l'eau connaîtrait le temps
Rugir je peux
pendant que tu colores, toi
l'espace
jusqu'à mon œil
je n'ai pas la révolution
de ta robe méridienne
ta roue ta voix : mouvement
mon O manque à sa courbe
pourtant qu'involutée
je peine à déployer
ma courbe déformable
désaxée trop
Dans le miroir
l'œil abdique mais pas la peau
laiteuse labile
humeur
presque aile épanchée
ou fleur ou odeur
tout un jardin
possible jardin
Un lit d'orties d'herbes-à-Robert
de tendrons de ronces
voilà le jardin
fourbu
trop d'eau trop d'humeurs trop
de tout
de vert purin et d'ombre
de vessie
étouffée dans les plis
où je vis
Vent
pas d'ombre
un chant
sans lumière
creuse
le lit
des images
cherche d'éventuelles
traces de vie de feu
je monte
à la "séance des rythmes"
qui occupe l'atelier là-haut
l'œil
le corps
la voix
sommet de joie
où
je regarde le temps
me prendre à
l'espace me dévorer
extase
Éblouissement enfin !
La lumière entrait dans l'atelier
criblait la figure noire
des miroirs
profonds puits d'eaux brunes
et grises obscures eaux troublées par l'écho
ricochait
éclaboussait en gerbes étincelantes et abrasives
volait en éclats écrits sur
écrits sur l'épreuve blanche des murs
ils buvaient l'alumine
Crue de lumière
un rayon s'affaire
retend
poudre et poussière
retiens-les veux-tu
dans tes doigts
tes mains en
entonnoir de lumière
ici rien ne reste longtemps
patience ou impatience
tu es les deux ailes
elles
textures de lumière
alternent
une éruption
une retenue
entre les deux un grain
dans les mains sèment
la relation parfois inversée
d'où sort une espèce de visage
qui pourrait être le tien
(quoique aucun
ne le soit vraiment quoique
précisément se soit l'éruption
qui est visage et voir)
L'image : une embrassade
floraison furtive
elle happe
au passage
le regard
résorbé
il naît
oui il y a épanchement et résorption
dans cette éclosion
Miroir : outil d'extraction
puissance de l'outil
extraction de soi
ce qui est tu
ce qui questionne
coi
inconnu
le miroir
divise et multiplie
L'image
extraite
floraison en lambeaux rutilants
Discordance dans les choses
et ombres disjointes
dans l'air tu crois bien être
sourde qui danse
sur les herbes
sans renoncer
c'est tout ce que tu sais faire
tant pis qu'absurde
des roseaux
suffisent à respirer
ou à penser
oui tu te défais
pensée
soufflée par les vents
et tu défais tes os
Il y a toujours une herbe
dont l'ombre portée une roue
sur ta robe ponctue
la cuisse
et dessine le dessein du soleil
un sceau
ou d'une écriture
alors palpée vivante
les ponctuations
égrenées
Devant
rien à voir que ce profil rouge
accroché dans les herbes
distinct
fixatif
il n'y a pourtant pas d'image
tout attend
c'est une voix que je cherche à crocheter
par la bouche de cette
bouche à bouche je bois
son sang
couleur voix-de-tête
cette fleur
crête de sens
Rien n'est rouge
comme la petite roue débrayée
débraillée par apocope
et par le vent
colorée
poussée à la fosse des lèvres
décollées
la coupe aux lèvres à la parole
portée
rouge troussée
labile corolle
plus rouge par le noir de son pistil avide
œil noir tremblé au fond
tout près du calice perdu
Du soir
mauves
et vertes sauvages
grenées
toutes les soies sont peignées par les doigts du vent
il y a du sang sur le pelage
du pré
ce sont
les coquelicots
ils écorchent d'un cri
cette bête extatique
Rouge
la joue et la claque
il claque dans la crue des fossés
oh je te vois et je te crois
Tu marches dans des robes obscures
à l'inverse des arbres
tu déplaces des voûtes d'air
dont les arcs brisés
se croisent
en la clef
articulent les arcades invisibles
de ton mobile
dans l'ombre de la robe le motif
forme et vouloir
toi dans
le motif
c'est ainsi que tu t'immerges
balayant l'air
l'arc clavé de tes jambes le balancement
divise l'air
Adèle Nègre
Adèle Nègre est poète et photographe.